Pour lire les poèmes de Fanny Sheper dans leur intégralité vous pouvez vous procurer le recueil de poèmes « Cheval Rouge » ici.
Certains de ces poèmes sont à l’origine des spectacles « Mon sublime ordinaire » et « Accros aux barbelés » de la Cie Ligne Mouvante et de la création sonore « Fossés des villes » de Sonnette-création.
(Écrits protégés par copyright. Aucune reproduction, même partielle, autre que celles prévues à l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite sans l’autorisation expresse de l’auteur.)
Accro aux barbelés
« Fil de fer aux araignées griffues
C’est ici que je traverse quand je vais là bas
C’est ici qu’on s’affranchit de la terre
C’est ici, que l’on traverse
Que les barreaux deviennent atmosphère (…) »
« (…) C’est le rencard des rêveurs accros
Qui se bécotent entre les ronces rouillés.
Il faut les voir s’enrouler comme des poissons avant d’éclore.
C’est là qu’on perce la réalité d’un seul plongeon (…) »
Jim sans poches
« Pauvre gamin à l’audace à peine voilée
Qui se trimballe dans des rues tailladées,
Abusant joyeusement des éclats urbains de plastiques et de colle,
Des drôles de légendes qui font planer…
Tes cauchemars sont dans les impasses et les arrières cours
Où des êtres profanes et maniérés te tendent la main.
Il te faudra t’injecter des baisers de douleurs
Si tu veux grandir comme les vieux. (…) »
Photo/collage : Jean Louis Millet
Patti la pluie

« C’est une longue femme anguleuse
Pas plus épaisse qu’un os
Visage louche aux grands yeux noirs
Elle traîne dans des hôtels miteux
Remplis d’artistes et de crasse
Sur les rocailles de la misère bohème
Elle griffe des poèmes et des étoiles bleus (…) »
Dans le crâne d’un bateau
(…) « Mais que peut bien faire un papillon contre une sorcière ? »
Me répondirent les grenouilles qui comprenaient tout.
Comme à chaque fois, Je me réveille au même endroit
Dans le crâne vide d’un bateau fataliste
Qui répète inlassablement avec sa vielle voix ferreuse :
« Tu ne fus pas bien aimée, tu ne fus pas bien aimée,
tu ne fus pas bien aimée. »
Photos/collage: Jean Louis Millet
Terrain vague
« Jardin sinistre et filandreux,
On y découvre parfois aux petits matins glauques
Des corps glacés de starlette au rouge à lèvre défait
C’est un lieu ravissant pour les méfaits des grands méchants.
Une nature hostile que la ville a rendue stérile (…) »
Photo/collage : Jean Louis Millet
Docteur Ferdinand Misanthrope
« C’était un homme particulier au regard redoutable
Un monstre en charentaises reclus et raffiné
Un docteur misanthrope à la main précise
Amoureux des malheureux, des miséreux
Il soignait même les méchants, « car un méchant guérit » disait-il
« Sera toujours un peu moins méchant qu’un méchant malade »
C’était sa contribution à lui, pour rendre ce monde un peut moins pourrie
Il allégeait les ignobles d’un peu de leur ignominie
Il consolait avec tendresse les mourants des hospices et les enviait parfois (…) »
photo/collage: Jean Louis Millet
Te peindre en ordinaire
« Je voudrai te peindre en ordinaire
Te diluer dans le triste humain
Qu’es-tu d’autre qu’une pauvre personne
Qui ne vaut pas plus que moi
Te dissoudre dans un verre de quotidien
Et ne plus penser à toi (…) »
Pastel d’ Isabelle Le Gouic 2014
La maladie de mercure
« Je porte des gants de mercure
Et des bottes de plomb
Chaque pas m’en coûte un million
Chaque geste est une lutte dans le néant
Mon temps est élastique
Car mes longues traînes de glaise
M’empêchent d’être à l’heure (…) »
Photo/collage : Jean Louis Millet
Hémophiles de l’amour
« (…)Ils sont les hémophiles de l’amour
A peine une égratignure
Et ils se répandent sur les murs.
Une coupure
C’est l’hémorragie,
Et des litres et des litres
D’émotion qui se vide au sol (…) »
Photo du spectacle « Mon sublime ordinaire »
C’était pas hier
« (…)Puis tu as dit:
« Ma bouteille est cramée »
Et tu m’as regardé comme si c’était la fin,
Avec cet air à la fois triste et soulagé.
A ce moment précis, Je t’ai aimé,
C’est pour ça que je m’en souviens mieux qu’hier.
Alors, j’ai posé ma bière à coté
Et on s’est embrassé (…) »